Entre deux Mission : Impossible, l'actrice impressionne dans le rôle de Dame Jessica dans le terrassant Dune de Denis Villeneuve.
Dune, qui sort enfin en salles ce 15 septembre (notre critique est ici), réunit un casting de demi-dieux et de demi-déesses du box-office : Oscar Isaac, Josh Brolin, Jason Momoa, Dave Bautista, Zendaya… Et Rebecca Ferguson. Révélée par la série historique The White Queen et introduite dans le monde des blockbusters grâce à Tom Cruise qui lui donne le rôle de l’espionne Ilsa Faust dans Mission : Impossible Rogue Nation, l’actrice d’origine suédoise tâtonne du côté du grand spectacle (The Greatest Showman, Alex, le destin d’un roi, Men in Black International) et trouve dans Dune un personnage parfaitement passionnant : Dame Jessica, concubine initiée aux mystères d’un ordre de nonnes mystiques cherchant à créer le messie galactique par manipulations politico-génétiques… Une mère et une femme de combat dans laquelle Rebecca s’investit totalement. On a rencontré l’actrice, extrêmement cool et détendue, par Zoom, juste après Denis Villeneuve.
Denis Villeneuve : « Avec Dune, j’ai essayé de faire le film le plus populaire possible »
On apprend grâce à Dune que si vous et Oscar Isaac avez un fils, il ressemble à Timothée Chalamet…
Pas mal, non ? Ceci dit, je sais que le rôle de Paul a été écrit spécialement pour lui. Denis, lui, m’a appelé par Skype et on a parlé pendant, pfff… au moins une heure et demie. De sa vision de Dune. Je connaissais le film mais pas trop le livre, ce n’est pas mon domaine. Et là, se retrouver projeté dans sa passion, dans son rêve d’ado de 14 ans… Quand quelqu’un te parle de ça avec autant de passion et d’amour, c’est compliqué de ne pas aussi en tomber amoureux.
Eric Roth, le scénariste, nous disait que ce que Denis Villeneuve préférait dans Dune, c’était les personnages féminins.
Oui, bien sûr. Je ne crois pas qu’il nous ait mises sur un piédestal. Il sait bien que l’histoire ne peut pas avancer sans les Révérendes Mères du Bene Gesserit. Et ça se sent dans la façon dont il nous cadre, la façon dont il met un personnage dans l’ombre ou la lumière… Ce n’est qu’en voyant le film terminé que j’ai réalisé qu’il mettait l’accent sur mes silences -on a tourné sous des angles différents. Même quand Jessica se tait, elle a une certaine présence.
Ça se sent, par exemple, dans la scène de l’épreuve de Paul, avec vous et Charlotte Rampling…
(elle prend une voix grave, et fait rouler les « r ») Le Gom Jabbar… C’est un excellent nom, pas vrai ?
Oui, et il y a beaucoup de noms aliens comme ça dans l’univers de Dune. Ça avait l’air sympa de les prononcer…
On a dû s’entraîner, croyez-moi. Il ne fallait pas dire « Awakis » mais bien « Arrrrrakis ». Denis avait une idée bien précise de comment dire chaque mot. On a aussi dû apprendre un langage des signes inventé. Oh, il y aussi les « Frrrremen », surtout pas les « Fwemen ».
On en arrive à la Voix : ce pouvoir utilisé par votre personnage pour donner des ordres aux autres. C’était tout en numérique, c’est ça ?
Oui, bien sûr. Quand on tournait ce genre de scènes avec la Voix, on ne savait pas encore à quoi elle allait ressembler. J’ai proposé de faire des bruits hyper forts. Ça ne marchait pas. (rires) Heureusement, Denis m’a simplement dit de parler normalement, mais avec détermination. Et qu’il allait bidouiller tout ça en post-production. OK, mais je ne pouvais pas résister à leur montrer ma meilleure imitation de Donald Duck.
Vous faisiez quoi, concrètement ? Vous criiez ? Vous faisiez un accent bizarre ?
En fait, je sortais de mon registre de voix. Nous avons tous un registre, un niveau « neutre », et dès que vous pouvez l’identifier, vous pouvez sortir de ce registre à volonté et créer une impression bizarre.
Et vous avez ça dans votre trousse à outils d’actrice. Vous avez appris ça sur The Greatest Showman ?
Non, je travaille avec toutes sortes de coachs : pour la voix, les langues… Ils se donnent toutes sortes de noms différents. J’ai été dans une école de musique quand j’étais jeune, mais cela ne vous apprend rien sur l’utilisation de votre voix en tant qu’actrice. Le contrôle du souffle, de la position, cela ne s’apprend qu’avec des années de pratique. Et une bonne dose de curiosité.
En parlant de The Greatest Showman, vous aimeriez refaire une comédie musicale ?
(silence) Oui. Mais ça dépend du réalisateur. Et du thème. Je ne peux pas me prendre trop au sérieux, je trouve ça difficile de faire une comédie musicale car il s’agit de quelque chose de très sérieux, comme à l’opéra il faut faire chanter ses émotions…
Est-ce que vous avez trouvé le rôle de Dame Jessica difficile à incarner, ou bien était-ce naturel ?
Si je trouvais ça trop naturel, alors ça voulait dire qu’il fallait que je travaille un peu plus pour justement trouver le personnage, le définir subtilement. Comment dire ? Prenez ma démarche. C’est facile d’être engagée pour un rôle pour ta simple présence, donc tu marches normalement, tu ne fais rien de plus. Et pourtant, il faut réfléchir à la façon dont tu respires, comment tu regardes, et comment tu marches. Il fallait que je casse mon moule, en fait. Ça, c’était dur. Trouver le moyen d’être fragile, puis en colère, puis dominer Paul pour qu’il se soumette, puis qu’il choisisse son propre chemin.
Justement, pour revenir à la scène du « gom jabbarrrr »…
Bien prononcé !
Merci.
Qu’est-ce que j’aimerais parler français. L’anglais est tellement policé. Il y a une telle dose de je-m’en-foutisme (« fuckoffness ») en français.
Donc, dans cette scène, vous passez par une très vaste palette d’émotions, vous êtes autoritaire, en colère, effrayée, soumise…
Oui, le tournage a été très « schizophrénique ». Je rigole. Mais oui, on a dû tourner sur plusieurs jours. Et cette scène montre toutes les facettes de Jessica. Pas facile à faire. Pour résumer, incarner Jessica, c’était comme incarner une adepte d’arts martiaux. Mais c’est aussi la mère d’un potentiel messie, qui peut entraîner l’univers dans le chaos et la destruction. Elle le sait. Elle est forte, mais elle est vulnérable. Voilà ce que c’est d’être la maman du (elle fait rouler les « r ») « kwisatz haderrrach »…
Bien prononcé !
Merci. Mais au fond, Jessica a peur, elle ressent de l’amour pour son fils et elle a peur pour lui. C’est là la clef, voilà pourquoi il y a cette litanie contre la peur qui revient sans cesse…
Dune a été beaucoup tourné en « dur », avec de vrais décors.
Je n’ai pas beaucoup tourné des films sur fond vert, et je me dis tant mieux : si je ne crois pas à ce que je vois, comment vous, le public, vous allez y croire ?
Et par rapport au tournage d’un Mission : Impossible ?
Je ne compare pas les tournages de ces deux films… Mais Mission : Impossible, c’est physique, tendu, explosif, boum, pan, vite, cours, saute, cache-toi, saute ! En plus, Tom (Cruise) et Chris (McQuarrie) apportent de plus en plus de profondeur aux personnages de la série. Denis nous emmène plutôt dans un feeling de film indé, avec une équipe plus resserrée.
Sinon, vous ne trouvez pas que Dune a un côté soap opera ?
(Elle éclate de rire) Si ça vous fait plaisir ! Bravo, c’est du bon journalisme. Merci, bonsoir !
Non, mais comme vous avez joué dans un soap opera en Suède quand vous étiez jeune, je me demandais si vous étiez prête à jouer Lady Jessica pendant des années…
Je croise les doigts pour jouer dans les suites de Dune, mais on verra ce qui se passe, parce pour le moment rien n’est fait… Mais jouer comme dans un soap opera, tout le temps la même chose, toute l’année ? Pfff… Tuez-moi. Maintenant. (rires) J’ai besoin de mouvement ! Ceci dit, OK, les séries télé ont un niveau de qualité phénoménal aujourd’hui… mais comparer Dune à du soap opera ? Là, franchement, non. Le soap, c’est synonyme d’un style, d’une imagerie, d’éclairages tout plats, de dialogues cheap et faciles… C’est ça, le soap opera.
Mais c’est aussi des drames, des complots de famille, du sang…
Bien sûr. Bon, maintenant, je vais dire à Denis Villeneuve que vous comparez Dune à du soap opera.